Pourquoi vous devriez vous méfier du concept (très à la mode) d’artiste-entrepreneur ?

Si vous suivez les blogs, conférences ou tables rondes de conseils pour les musiciens, il ne vous a sans doute pas échappé qu’est apparu récemment un nouveau concept très à la mode, celui de l’artiste-entrepreneur.

De prime abord, cela peut paraître séduisant, d’autant qu’il semble répondre à une réalité déjà vécue par de nombreux artistes auto-produits, multi-casquettes.

Pour autant, ce concept pose quelques questions qu’il me semble important que vous ayez à l’esprit avant de vous lancer dans cette aventure.


Notamment si vous envisagez de payer pour une des multiples « formations » qui, surfant sur la mode, fleurissent actuellement et vous promettent de maitriser tous les outils et les aspects du music-buisness 2.0 pour développer votre projet.

Tout d’abord, pourquoi en sommes-nous arrivés là ?

Il semblerait qu’il fût un temps, où les acteurs professionnels s’investissaient beaucoup plus tôt qu’aujourd’hui dans la phase de développement des projets artistiques.

Aujourd’hui, s’ils le font, c’est à un stade de développement du projet, bien plus avancé.

Ce qui oblige l’artiste, déjà multi-casquettes dans le cadre d’une auto-production, à assurer des missions autrefois prises en charge par des professionnels de la profession.

Le concept d’artiste-entrepreneur n’aurait-il pas été inventé par certains professionnels souhaitant déléguer à l’artiste des tâches qui leur étaient auparavant dévolues ?
La question de l’arbitrage : qui tranche en cas de désaccord entre l’artiste et l’entrepreneur ?

C’est peut-être la principale problématique posée par ce concept d’artiste-entrepreneur.

En effet, le temps du buisness est rarement le même que celui de l’artistique.

J’ai pu remarquer, notamment pendant les huit années où j’accompagnais des projets à FGO-Barbara que, souvent, les managers avaient une impatience pas toujours compatible avec le rythme de l‘artiste.

Et il n’était pas rare que le manager apprécie peu que je cale l’accompagnement sur le rythme et les envies de l’artiste ou du groupe.

En effet je privilégiais toujours les attentes de l’artiste. La mission d’alors de FGO-Barbara étant d’accompagner les artistes et non pas leur entourage.

Donc, si vous devenez artiste-entrepreneur, et qu’il y désaccord entre l’artiste et l’entrepreneur, qui aura le dernier mot ?

Alors que j’interviens principalement sur des questions artistiques, je suis toujours sollicité par les artistes pour leur donner un avis extérieur.

En effet, il ne leur est pas toujours aisé de prendre de la distance (ou de la hauteur) afin de pouvoir faire les choix les plus pertinents.

Je n’ose imaginer la difficulté si, en tant qu’artiste-entrepreneur, ils devaient en plus, en plus de la direction artistique, décider de tous les choix stratégiques et commerciaux !

And last but not the least, quel était votre rêve de gosse ? Devenir artiste ou entrepreneur ?

Que les acteurs de l’industrie musicale aient envie de promouvoir le statut d’entrepreneur soit.

Mais tout comme il semble évident que tous les entrepreneurs n’ont pas nécessairement une fibre artistique, pourquoi tous les artistes devraient avoir la fibre entrepreneuriale ?

Aujourd’hui un artiste sait qu’il est probable qu’il vende plus de merchandising que de musique enregistrée. Pour autant, a-t-il envie de se lancer dans l’industrie textile pour créer, faire fabriquer et vendre des t-shirts ?

Artistes, avez-vous envie de devenir entrepreneur ?

Combien jouent cette carte, ne réussissent pas en tant qu’entrepreneur, se perdent et s’éteignent en tant qu’artiste ?

La petite flamme qui anime un artiste ne mérite-t-elle pas d’être protégée ?

 

Conclusion

Il semble évident que le modèle sur lequel fonctionnait l’industrie musicale est devenu obsolète et qu’elle peine à en trouver un nouveau.

Pour autant, du point de vue de l’artiste, ce concept d’artiste-entrepreneur ne me paraît pas être une bonne solution.

Combien de temps vous restera-t-il pour l’artistique ?

N’est-il pas plus sage de dépenser de l’énergie à chercher un entrepreneur pour développer votre projet ?
A ce propos, je m’interroge : comment se fait-il que les vendeurs de « formations » et autres « conseils » ne développent pas des projets artistiques puisqu’ils savent comment faire ? 😉

Et, pour conclure, avec ce nouveau concept ne sommes nous pas en train d’assister, après d’autres secteurs d’activité, à une tendance à l’uberisation du secteur de la musique ?

 

 

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2 réflexions au sujet de « Pourquoi vous devriez vous méfier du concept (très à la mode) d’artiste-entrepreneur ? »

  1. Robin

    J’ai suivi une formation music business et c’est sérieux. Le formateur fait des visios regulieres et te montrent ses projets et avancées et reussites. Et ce qui ne marche pas aussi. Apres il faut que l’artiste est envie de se gerer et ne plus dependre de quelqu’un ni se faire enflouer avec les taux de royalties ridicules qu’on lui donne.

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    1. Karim Kanal Auteur de l’article

      Intéressant.
      Quand vous parlez de formation sérieuse, vous voulez dire que suite à cette formation, les stagiaires arrivent à développer leurs projets professionnellement ?
      Si oui, je serais très intéressé d’en savoir plus, car je connais beaucoup d’artistes qui seraient intéressés.
      A moins que ce ne soit une info confidentielle ?

      Merci pour vos témoignages.

      Répondre

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