Après avoir vu quelques généralités (ici) et passé en revue les erreurs les plus fréquentes (ici), je vous propose une méthode, testée auprès de plus de 300 groupes, afin que vous soyez toujours sûrs de faire une bonne balance quelles que soient les contraintes (de temps et-ou de matériel).
Nous verrons ensuite quels sont les enjeux pour votre groupe et les enjeux sur scène.
Ma définition d’une bonne balance : Que chacun s’entende parfaitement et entende toutes les sources sonores du groupe.
La méthode efficace pour réussir votre balance
Il suffit de procéder comme pour un concert :
- arrivez à l’heure,
- prenez le temps de vous installer,
- construisez votre mix étape par étape, instrument par instrument.
Arrivez à l’heure
Prenez l’habitude d’arriver au moins un quart d’heure avant l’heure de votre répétition. Cela vous permettra de pouvoir bavarder avant la répétition et non pas pendant l’installation et la balance. Les studios coûtent cher et le temps passe vite !
Prenez le temps de vous installer
Que chacun s’installe en respectant le plan de scène du groupe. N’hésitez pas à déplacer les amplis et-ou les retours. Installez vous en configuration scène, c’est-à-dire dos au batteur.
S’il s’agit d’une répétition de travail sur une composition ou des arrangements, nécessitant des discussions, préférez une disposition en cercle. A partir de la disposition scène, il suffit que le chanteur se retourne pour faire face au batteur.
Une fois que chaque musicien est assuré qu’il a du son, il ne joue pas ! Quand tout le monde est prêt, c’est-à-dire installé et avec du son, la balance peut commencer.
Il est important que chaque musicien soit attentif et silencieux (sauf quand il doit jouer) pendant toute la balance.
Construisez votre mix étape par étape
J’aime comparer un mix à une maison.
Il faut de bonnes fondations, ce sera l’élément rythmique et les fréquences les plus graves. Je parlerai ici de basse-batterie mais ces deux instruments pourront être remplacés par n’importe quels autres avec la même fonction : une séquence, un tambour, une main gauche de clavier, les cordes graves d’une guitare…etc. C’est à vous de repérer dans votre groupe qui « porte le groove » et quel est l’instrument le plus grave.
Sur les fondations, nous allons poser des murs : les instruments harmoniques.
Cet ensemble fondation + murs va supporter un toit : le lead, qu’il soit chanté ou instrumental.
Puis s’ajouteront des ornements pour enrichir le tout : les choeurs et autres instruments lead qui, tout en apportant une vraie couleur, ne sont pas indispensables à l’équilibre de l’ensemble.
Etape 1 : La batterie
Le batteur va commencer par jouer seul pendant que les autres musiciens écoutent. Chaque musicien va se faire une première idée de l’acoustique de l’endroit (studio de répétition, plateau télé, scène…).
Chacun peut, d’après cette première sensation de volume, ressentir le besoin de s’éloigner ou de se rapprocher de la batterie.
Une remarque : prenez bien le temps d’écouter l’équilibre entre la grosse caisse et la caisse claire. Il n’est pas rare que la grosse caisse soit sous-mixée par rapport à la caisse claire (ou la caisse claire trop forte par rapport à la grosse caisse). Souvent ce n’est pas la batterie qui est trop forte mais juste la caisse claire.
C’est sur cette base, le volume acoustique de la batterie, que vous allez construire votre mix.
Etape 2 : la basse
Dans un premier temps le bassiste joue seul afin d’affiner ses réglages. Puis il va choisir sur quels extraits il souhaite balancer avec le batteur.
Pourquoi plusieurs extraits ? Tout simplement pour tester, si besoin, les différents styles de jeu et-ou effets.
L’idée étant de trouver un équilibre basse-batterie en prenant soin que la basse fasse corps avec la grosse caisse.
Il est donc judicieux de jouer des patterns avec des attaques de grosse caisse simultanées avec les notes de basse. La grosse caisse donne l’impact et la basse une hauteur de note à cet impact.
A chaque étape, il est important que tous les membres du groupe valident la balance. Mais il s’agit d’échanger uniquement sur le rapport entre les instruments et non pas d’émettre des jugements de valeurs du type « j’aime pas ton son, je le trouve trop ceci ou pas assez cela ».
Etape 3 : les instruments harmoniques
Pour l’exemple, je vais parler de guitares et claviers.
Comme pour le bassiste, c’est au guitariste de choisir ce qu’il veut jouer pour faire sa balance, afin qu’il puisse tester ses différents sons et-ou guitares.
L’objectif étant que ce trio (basse-batterie-guitare) sonne équilibré.
Ensuite, même chose avec l’autre guitare et-ou le clavier.
Il peut être intéressant de faire sonner chaque trio séparément avant de jouer à quatre :
Basse-batterie avec guitare 1
Basse-batterie avec guitare 2
basse-batterie avec les deux guitares.
En effet, il n’est pas rare que les deux trios « fonctionnent » mais que le quartet soit brouillon. Le problème venant alors d’un conflit entre les deux guitares.
Si le basse-batterie sonne, si le basse-batterie avec chacune des guitares ou claviers sonne, et si le son est brouillon avec les deux guitares, le problème vient donc de l’équilibre (souvent en terme d’équalisation) entre les deux guitares.
Là réside un des intérêts de cette méthode : en construisant le son étape par étape, et en validant le résultat à chaque étape, vous pouvez facilement repérer un éventuel problème dès qu’il apparait, et donc le corriger.
Notamment lorsque des instruments occupent les mêmes fréquences, ce qui est le cas typique de deux guitares. Pour un peu que les guitaristes aient le même matériel (la guitare de leur idole commune ;-)) les deux timbres vont se confondre. Dans ce cas plutôt que de se lancer dans une escalade au volume un travail sur l’eq est souvent suffisant (changement de position de micro sur une des deux guitares par exemple).
Etape 4 : la voix
Après un réglage a-capella, le chanteur choisit à son tour les extraits sur lesquels ils souhaite affiner les réglages.
A cette étape, il peut être nécessaire d’ajuster la balance générale à la baisse afin de permettre au chanteur d’être « confort ».
Etape 5 : les autres instruments
Si les premières étapes ont été concluantes, il est assez simple d’ajouter des instruments lead par dessus l’ensemble. Là encore, chaque instrumentiste choisit l’extrait dont il a besoin pour faire sa balance.
Etape 6 : le groupe en entier
Il y a quelques extraits du répertoire à jouer pour préciser la balance. Au moins deux : le titre (ou le passage) le plus tranquille et le titre (ou le passage) le plus pêchu. Ce qui permet à chacun d’affiner son réglage.
Quelques remarques :
- Il n’est pas nécessaire de jouer longtemps pour évaluer l’équilibre entre deux instruments.
- Il est important de jouer toujours les mêmes extraits.
- Cela vous donnera une référence, des habitudes et vous permettra d’entendre tout de suite si un lieu sonne différemment.
- Lorsque l’on compare deux sons et que l’un semble trop faible, il est plus sage de baisser celui qui est plus fort plutôt que de monter celui qui est plus faible.
- Dans le mot balance, visualisez une balance à plateaux et faites descendre le plateau le plus haut.
- Pour corriger un problème de balance, il n’est souvent pas nécessaire de toucher au volume, dans l’ordre, changez d’abord de position par rapport à la source sonore, puis corrigez les Eq et enfin, si besoin touchez au volume, en privilégiant une baisse du son le plus fort.
- Ensuite il est souvent question de sensation de volume. Un son plus aigu paraîtra plus fort.
Gardez bien à l’esprit que chacun entend un mix différent en fonction de sa position. Ne vous préoccupez pas de ce que les autres entendent. Je me souviens d’un guitariste qui jouait fort parce qu’il craignait que les autres ne l’entendent pas !
Les enjeux d’une bonne balance pour le groupe
Bien évidemment le premier enjeu d’une bonne balance est que vous soyez en mesure de jouer votre musique dans les meilleures conditions. Mais ce n’est pas tout ! Qu’est-ce qui va différencier deux groupes de pop-rock (par exemple, mais ça marche avec tous les styles) ? Il y a peu de chances que ce soit l’écriture mélodique, le groove ou les harmonies.
La première singularité d’un groupe (tout comme pour un musicien) c’est son son !
Et cette méthode de balance permet de ne rien laisser au hasard et de vous donner les moyens de travailler votre son de groupe.
Les enjeux sur scène
Bien évidemment il s’agit là encore que vous vous donniez les moyens de jouer votre musique dans les meilleures conditions.
Mais pas seulement !
Sur scène se joue également l’image et la réputation de votre groupe auprès des professionnels. Le temps de balance va être votre premier contact avec l’équipe de techniciens qui vous accueille.
Lorsque vous êtes sur un plateau vous êtes sur un lieu de travail, entourés de professionnels.
En fonction de votre attitude et de votre comportement les techniciens vont vous considérer et vous traiter comme des professionnels (avec sérieux) ou comme des rigolos (en dilettante) et ce, indépendamment de votre niveau, votre style de musique ou votre statut.
De plus, en tournée, on est parfois un peu fatigué, et le fait d’avoir une méthode et une discipline de balance peut vous permettre de gagner du temps pour aller vous reposer à l’hôtel avant la soirée 😉
Donc :
- Arrivez à l’heure
- Dites « bonjour » à tous les techniciens présents
- Soyez tous sur scène pour la balance
- Dès que vous êtes installés et avec du son, attendez, en silence
- Lorsque c’est à votre tour de jouer, jouez ! vraiment, avec de l’intention. Ce n’est pas le moment d’être timide !
- Ecoutez le technicien son, que ce soit le vôtre ou pas.
- Ne jouez que des extraits courts, la balance n’est pas une répétition
- Ne parlez pas tous en même temps.
L’objectif est que vous retrouviez sur scène le son collectif que vous avez travaillé en répétition. Si vous ne connaissez pas le technicien-son, n’hésitez pas à l’inviter sur scène écouter votre son plateau. Il devrait le faire de lui-même mais force est de constater que peu de techniciens le font. Ils se contentent souvent de rester derrière la console et commencent par demander du kick pour construire le mix à leur idée. Or c’est le son plateau, votre son si patiemment travaillé en répétition, qui doit être diffusé en façade.
Pour conclure
J’espère que la lecture de ces trois billets consacrés à la balance vous aura permis de bien saisir l’importance et les enjeux d’une bonne balance, que vous soyez en répétition ou sur scène..
C’est un temps de travail collectif pour le groupe.
Le moment où vous précisez votre identité sonore et le moment où vous vous donnez les moyens de jouer votre musique en vous laissant la possibilité d’exprimer ensemble.
Jouer ensemble et non pas côte-à-côte ! 😉
Vos remarques, commentaires et questions sont les bienvenus…
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