Les trois questions à vous poser avant de vous inscrire (ou pas !) à un « tremplin »-concours.

Depuis quelques années, nous assistons à la multiplication des « tremplins » et autres concours.

J’utiliserai des guillemets pour « tremplin », tellement il me semble que le mot est souvent galvaudé.                                                                                                                                                           D’après le Larousse, le tremplin est : « ce qui donne un élan pour atteindre un objectif ».           Or force est de constater que c’est rarement le cas des « tremplins ».

En tant que responsable du pôle accompagnement de Fleury Goutte d’Or-Barbara, j’ai été invité à participer à plusieurs jurys.                                                                                                                     La première chose qui m’a frappé est que, invité en tant que responsable de l’accompagnement, j’étais quasiment toujours le seul musicien autour de la table.

En tant que musicien, ce passage de « l’autre côté » fût riche d’enseignements, et voici les trois points que je vous conseille d’étudier avant de vous décider à participer, ou pas, à un tremplin :

  1. Le réel (!) bénéfice à en espérer pour votre projet.
  2. Le jury.
  3. Les conditions.

 

1. Quel bénéfice réel en attendre ?

C’est la première question à vous poser : que pouvez-vous en attendre concrètement ?

Pour répondre à cette question, ne vous contentez pas des éléments de communication des organisateurs ! Si ce « tremplin »-concours existe depuis plusieurs années, menez votre enquête.

Reprenez le palmarès des années précédentes et essayez d’évaluer ce qu’il a apporté au développement de carrière des lauréats.

Cette phase de questionnement-enquête est très importante afin d’éviter désillusions et déceptions par la suite.

Combien de groupes ont participé à tel « tremplin »-concours parce qu’ils imaginaient qu’ils joueraient sur un festival où « tous les pros sont présents », pour finalement se retrouver programmés en plein après-midi, et ne jouer devant aucun pro ?

Pour un peu que le groupe ne soit pas défrayé et ait dû engager des frais, l’addition est salée et la frustration amère.

Évitez de fantasmer et contentez vous d’informations factuelles sur les avantages réels que vous pourriez tirer de votre participation.

 

2. Le jury

Sa composition :

De quels professionnels est-il composé ? Programmateurs ? Journalistes ?

Est-ce toujours le même jury au fil des années ?                                                                                    Si oui, le palmarès des années précédentes peut être une bonne indication sur vos chances ou pas.

Comme pour les lauréats des années précédentes, vous pouvez vous renseigner sur chaque membre du jury, ses goûts, préférences…etc.

 

Quels sont les critères d’évaluation ?

Les goût personnels des jurés en toute subjectivité ?

Ou bien le jury doit-il choisir les lauréats en vue d’une programmation ?                                             Auquel cas regardez la programmation des années précédentes.

Ou encore, est-il question de juger du potentiel commercial des projets ?                                         A vous d’évaluer alors si vous êtes dans l’air du temps, ou plutôt de la saison, vu la vitesse à laquelle les tendances passent !

Petit détail qui a son importance, même s’il pourra vous être plus difficile d’obtenir l’information : est-ce que le jury évalue les groupes à partir d’une grille précise et les votes se font-ils à bulletin secret ?

Sur tous les jurys et commissions d’écoute auxquels j’ai participé je n’ai eu qu’une seule fois une grille d’évaluation précise.                                                                                                                              Il s’agissait de mettre une note sur plusieurs aspects du projet. Ensuite  les notes étaient additionnées afin d’établir le palmarès et il n’y avait discussion-négociation qu’en cas d’ex aequo. Transparent !

Toutes les autres fois, les délibérations n’étaient que discussions-négociations, sans réelle grille d’évaluation et avec, parfois, des argumentations un peu « légères ».                                                  Chacun(e) énumérant ses références sur le mode : « ça me fait penser à untel » ou des remarques du genre « à quarante ans, on sent la chanteuse sur le retour »…etc.

D’ailleurs j’ai souvent été frappé par le manque de bienveillance de certains commentaires. Peut-être que le fait que je sois moi-même musicien, me rend plus sensible à la part d’intime et de passion que je sais investie dans chaque projet, et ce, indépendamment de mes goût personnels.

Parfois les propos peuvent être assez surprenants.                                                                                  Je me souviens d’un directeur de festival qui comme remarque sur un groupe avait dit « j’entendrais bien du ukulélé ». Il faut dire qu’à l’époque le ukulélé n’avait pas encore été remplacé par le Micro-Korg, comme instrument « incontournable du moment » !

Pour autant, j’avais été très surpris qu’il se sente légitime pour donner son avis sur les arrangements, alors que ce n’était pas son métier. Et encore plus surpris que cela ne choque personne autour de la table.

 

Enfin, la raison la plus importante pour laquelle vous renseigner sur le jury :

Partant du principe que « tout le monde connait tout le monde », connaissez-vous, vous ou votre manager un ou plusieurs membres du jury, ou, plus exactement, êtres-vous connu par un ou plusieurs membres du jury.

Si oui, deuxième question : en bien ou en mal ? 🙂

Si vous savez qu’un journaliste ne vous aime vraiment pas et qu’il fait partie du jury, ce n’est peut-être pas une bonne idée de participer.                                                                                              A l’inverse, cela peut être très judicieux 😉

C’est en participant à des jurys que j’ai compris pourquoi tous les professionnels insistent sur l’importance pour les groupes d’avoir « du réseau » !

J’ai vu parfois, certains groupes grillés d’avance ou au contraire déjà plébiscités avant même que les délibérations ne commencent, en fonction des contacts qu’ils avaient pu avoir, eux ou leur manager, avec des membres du jury.

Pour un peu que les membres du jury aient l’habitude de travailler ensemble, la culture du « renvoi d’ascenseur » peut très vite influer sur le palmarès d’un « tremplin »-concours.

 

A ce stade de votre réflexion, vous commencez à avoir les idées un peu plus claires sur l’intérêt ou non de participer. Reste un dernier point à étudier :

3. Les conditions

Le « tremplin »-concours se déroule-t-il près de chez vous ?                                                                   Si ce n’est pas le cas, l’organisateur prend-t-il en charge vos frais de déplacement ?                         Quelles sont les conditions d’hébergement et de restauration sur place ?

Seules les réponses à la première question de ce billet vous permettront d’évaluer quelles dépenses vous pouvez engager.                                                                                                                   D’où l’importance de bien évaluer le bénéfice réel que vous pouvez attendre d’une participation..

Ensuite dans quelles conditions allez-vous jouer ?

Combien de temps ?                                                                                                                                 Certains « tremplin »-concours ne vous proposent de ne jouer que deux titres.                                 Pensez-vous être capable de présenter votre projet en deux titres ?

Dans quelles conditions techniques ?                                                                                             Avez-vous l’assurance de pouvoir présenter votre projet tel que vous le souhaitez ?

Je me souviens d’un duo électro que j’avais accompagné : une chanteuse et un musicien avec un set de machines.                                                                                                                                          Ils avaient été sélectionnés pour un « tremplin »-concours pour découvrir ensuite qu’ils seraient obligés de jouer en acoustique !                                                                                                            Après hésitation, ils ont décidé de relever le challenge et ont arrangé deux titres en guitare-voix, mais bon …

 

Enfin, quelles conditions financières ?                                                                                                  Si vous n’êtes pas défrayés, le concert est-il gratuit pour le public ou bien y-a-t-il une billetterie ?

Sur certains « tremplins »-concours, il n’y a que les groupes sur scène qui ne sont pas payés alors que tous les techniciens, les organisateurs et les membres du jury le sont.                               A vous de voir si vous acceptez de cautionner ce type d’organisation.
Mais si vous acceptez, évitez ensuite de venir vous plaindre.

 

Conclusion

Si vous avez bien étudié les trois points de ce billet vous êtes en mesure de prendre votre décision en toute connaissance de cause, ce qui vous évitera mauvaises surprises et frustrations.

Notamment en évitant tous les tremplins dont le but premier est d’assurer leur propre pérennité ou bien ne sont qu’un support de pub pour une banque, une marque d’alcool ou de téléphonie mobile.                                                                                                                                                 Tremplins qui cesseront d’exister le jour où les groupes ne s’y inscriront plus ! 😉

Deux citations pour conclure :

« Les compétitions sont faites pour les chevaux, pas les artistes . » Bela Bartok.

« La morale collective actuelle nous fait croire que l’important, c’est de l’emporter sur les autres, de lutter, de gagner.                                                                                                                                Nous sommes dans une société de compétition, mais un gagnant est un fabricant de perdants. Il faut rebâtir une société humaine où la compétition sera éliminée.                                                 Je n’ai pas à être plus fort que l’autre.                                                                                                       Je dois être plus fort que moi grâce à l’autre. » Albert Jacquard.

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7 réflexions au sujet de « Les trois questions à vous poser avant de vous inscrire (ou pas !) à un « tremplin »-concours. »

    1. Karim Kanal Auteur de l’article

      Essayer de se renseigner, aller à la pêche aux infos.
      Parfois une simple recherche sur internet donne beaucoup d’informations.

      Répondre
    2. Karim Kanal Auteur de l’article

      Il ne s’agit pas spécialement de connaître personnellement les membres du jury, mais de se renseigner sur leur parcours, leur sensibilité, leur goûts, afin que vous puissiez évaluer la pertinence de participer (ou pas ! 😉 )

      Répondre
  1. Norbert Gabriel

    Pour avoir suivi plusieurs tremplins de chanson française (et même avoir fait partie d’un jury une fois) dans la région parisienne, je n’ai pas beaucoup de confiance dans une véritable objectivité artistique des jurys, à une ou deux exceptions près, un « célèbre » prix qui a duré 20 ans a toujours vu les seconds ou les troisièmes faire de meilleurs parcours que les lauréats… Et puis quand on voit un jury composé de 40 ou 50 personnes, ça fait bizarre… A noter tout de même que le Prix Moustaki 2017 a vu le triomphe de Léopoldine HH, peu connue à Paris, qui a remporté les prix du public et des pros, là au moins, il n’y avait pas de doute…

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